En ce jour de fête du travail, j'ai souhaité partager avec vous mes pensées sur le symbolisme du travail.
Qu'est ce que le travail ? Quelle valeur a-t-il ? A-t-il toujours eu la même valeur ? Qu'en est-il du travail spirituel ?
Le travail matériel nous confère un statut social. Il permet de subvenir à nos besoins, d'acquérir une certaine indépendance, de donner une éducation à nos enfants. Mais le travail n'a pas toujours eu la même valeur au fil des âges. Dans l'antiquité, le travail est par nature dévalorisant et ne peut être confié qu'à des esclaves. Par opposition, l'homme libre est celui qui a des loisirs et qui n'est pas contraint de travailler pour subvenir à ses besoins puisque ses esclaves ou ses domestiques s'en chargent pour lui. Le travail est alors compris au sens d'effort, de peine.
En revanche, les activités humaines relatives à la science, à l'éthique, à la politique et Dieu sont reconnues valorisantes et unificatrices. De même au Moyen-Age, l’oisiveté, loin d’être blâmée, y est « sainte », digne d’estime voire d’admiration, à l’exemple du moine voué à la prière. Le négoce est « vulgaire et impie ». C'est à partir du XIIIe siècle que l'on voit une inversion des mentalités. Le travail va devenir œuvre. Il reste néanmoins encore dévalorisé par rapport à la vie contemplative… jusqu'à ce que celle-ci soit à son tour dénigrée, à partir du XVIe siècle, et qu'il ne reste donc, dans la vie de l'homme, que le travail. A partir du XVIIIe siècle, avec Adam Smith, l'émergence de la condition salariale et du mercantilisme est déterminante dans l'élaboration du statut du travail. Le travail ne signifie plus simplement la peine ou l'œuvre mais aussi, et avant tout, la création de valeur. On ne travaille plus pour accomplir une œuvre mais pour se procurer de quoi vivre.
A partir du XIXe siècle, le travail devient un trait spécifique de l'espèce humaine, mais ce n'est pas une fin en soi. Il s'agit d'une action consciente,volontaire et nécessaire - je ne parle pas ici d'esclavage - par laquelle l’homme modifie son environnement, de manière à produire des valeurs ou des biens socialement ou individuellement utiles et à satisfaire des besoins. Travailler, c'est agir sur le réel pour le modifier. Ainsi, pour le philosophe Karl Marx, le travail est essentiellement, à travers la technique, la transformation par l'homme de la nature qui, à son tour, réagit sur l'homme en le modifiant. En même temps qu'il agit par ce mouvement sur la nature extérieure, il modifie sa propre nature et développe les facultés qui y sommeillaient. Il lui permet également de se faire une place dans la société autrement que par sa naissance. Il est par conséquent libérateur, puisqu'il accompagne la remise en cause des régimes aristocratiques et des privilèges. L'homme est socialement reconnu pour sa participation à la production, à la consommation et à la satisfaction des besoins. Mais le travail peut s'avérer également aliénant. Pour Nietzsche, le travail consume une telle quantité de force nerveuse, qu'il entrave puissamment le développement de la raison, des désirs, du goût de l’indépendance. Il soustrait l'homme à la réflexion, à la méditation, à la rêverie. Le travail est donc dans ce cas source de déshumanisation. L'homme se met au service de son travail au détriment de lui-même et au dépend du système socio-politique. En effet, l'homme étant un être pensant, il est dangereux. Le travail le rend servile, docile car il mobilise toute son énergie.
Dans la tradition chrétienne occidentale, le travail est une mission confiée à l'homme par Dieu. Le travail se situe d'abord à l'intérieur du jardin d’Éden. En lui confiant les richesses de sa création, Dieu confie à l'homme une grande responsabilité. Mais le travail prend une connotation pessimiste après l'expulsion d'Adam et Ève. La terre elle-même devient maudite. Mais l'homme, lui, n'a rien perdu de son image divine.
Dorénavant, la production de la nourriture sera le résultat d'un travail pénible. Ce qui d'abord apparaît comme une punition est en fait une alliance nouvelle entre l'homme et Dieu. Ce dernier rend alors la terre à l'homme comme source permanente de fécondité.
L'homme, intrinsèquement lié au travail, est avant tout un homme de culture. L'homme est fait de terre et doit se considérer lui-même comme une terre à cultiver. C'est ici l'essence même du travail spirituel.
Ce travail que nous réalisons sur nous-mêmes, que nous partageons et transmettons nous permet d’avoir un certain recul et nous permet de voir le travail non pas comme une contrainte mais bien comme une source permanente de découvertes, de connaissances et de liberté. Comme l'écrivait Khalil Gibran, dans son livre « Le Prophète » :
« Et toute connaissance est vaine, s'il n'y a pas travail. Et tout travail est vide, s'il n'y a pas amour. Et lorsque vous travaillez avec amour, vous liez vous-même à vous-même, et aux uns et aux autres. Le travail est l'amour rendu visible. »
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